Les guérilleros pourront toujours être motorisés si la police les attaque à cheval. De l'intérieur de leur voiture, ils pourront facilement tirer contre ces attaquants. Le grand désavantage de la cavalerie est qu'elle offre aux guérilleros deux cibles: le cheval et son cavalier.
L'utilisation par les forces do répression de l'hélicoptère n'offre guère d'avantages ; il sera difficile à ceux qui l'occupent de tirer de si haut et impossible de se poser sur la voie publique. Volant à basse altitude, il pourra facilement être atteint par le tir des guérilleros.

L'INFORMATION
Les chances qu'a le gouvernement de découvrir et de décimer les guérilleros diminuent fortement dans la mesure où, au milieu de la population, se multiplient les ennemis de la dictature. Ceux-ci, en effet, nous informeront sur les activités de la police et des agents gouvernementaux qu'ils ne renseigneront jamais sur nos propres activités. Pour les embarrasser, ils chercheront plutôt à leur donner de fausses informations. De toute façon, les sources do renseignements du guérillero urbain sont potentiellement plus grandes que celles de la police. Celle-ci se sait observée par la population, mais elle ignore qui se rend complice du guérillero et dans la mesure où elle commet des injustices et fait violence à des citoyens, elle favorise cette complicité entre le peuple et les guérilleros.
Même si les informations nous proviennent que d'une très petite fraction de la population, elles constituent pour nous une arme précieuse. Elles ne nous dispensent cependant pas de créer notre propre service de renseignements, et d'organiser ce réseau d'intelligences.
Des informations sûres données au guérillero signifient que des coups également sûrs pourront être portés contre le système de la dictature.
Afin de s'opposer plus efficacement à nous, l'ennemi stimulera la délation, et s'infiltrera en nous envoyant ses espions. Les traîtres et les délateurs, aussitôt qu'ils seront connus, devront être dénoncés auprès de la population. Dans la mesure où le gouvernement se rendra impopulaire, celle-ci se chargera de les châtier. En attendant, dès qu'ils les connaîtront, les guérilleros devront procéder à leur élimination physique, ce que la population ne manquera pas d'approuver et ce qui diminuera considérablement l'infiltration et l'espionnage de l'ennemi.
Cette lutte, on la complétera en organisant un service de contre-espionnage.
C'est en vivant au milieu de la population, en prêtant attention à tous les types de conversations et de relations humaines, non sans dissimuler avec un maximum d'astuce sa curiosité, que le guérillero complétera son information. Celle-ci concernera tout ce qui peut se passer sur les lieux de travail, dans les écoles et facultés, dans les quartiers où habitent les combattants, qu'il s'agisse des opinions ou de l'état d'esprit des gens, de leurs voyages, de leurs affaires, de leurs fréquentations, de tout ce qui les occupe.
Le guérillero urbain ne se déplace jamais sans avoir toujours à l'esprit la préoccupation de mettre au point un éventuel plan d'opération. Il n'y a pas d'interruption dans la vie du combattant ; il doit toujours être en éveil et enrichir sa mémoire do tout ce qui peut lui être utile dans 1'immédiat comme pour le futur. Il lira attentivement les journaux et s'intéressera aux autres moyens de communication, il enquêtera, ne cessera de transmettre à ses compagnons tout ce qui attire son attention ; c'est là tout ce qui constitue 1'immense réseau d'informations donnant au guérillero urbain un net avantage.

L'ESPRIT DE DECISION
Un manque d'esprit de décision annule aussitôt les avantages que nous venons d'énumérer. S'il n'est pas sûr de lui, le guérillero risque d'échouer, pour bien p1anifiée qu'ait été son action. Cette capacité de décision doit être maintenue jusqu'au bout, sans quoi une opération bien commencée peut, par la suite, se retourner contre lui, car l'ennemi profitera de sa panique ou de son hésitation pour 1'anéantir.
Il n'existe pas d'opérations faciles. Elles doivent être exécutées avec le même soin et par des hommes soigneusement choisis, précisément en fonction de leur esprit de décision. C'est au cours de la période de préparation que 1'on verra dans quelle mesure les candidats à la guérilla en sont dotés. Ceux qui, au cours de ces périodes, arrivent en retard aux rendez-vous, confondent facilement les hommes, ne les trouvent pas, oublient l'une ou l'autre chose, n'observent pas les normes élémentaires du travail, se révèlent être des gens peu décidés et susceptibles de porter préjudice à la lutte - il vaut mieux les écarter. Être décidé, cela signifie exécuter avec une détermination, une audace et une fermeté incroyables un plan tracé. Un seul indécis peut perdre tout un groupe.

 

LES OBJECTIFS VISES PAR LE GUERILLERO

Les objectifs que visent les attaques déclenchées par les guérilleros urbains sont, au Brésil, les suivants:
- Ébranler le polygone de sustentation de l'État et de la domination nord-américaine. Ce polygone est constitués par le triangle Rio-Sao Paulo-Belo Horizonte, triangle dont la base correspond à 1'axe Rio-Sao Paulo. C'est là que se situe le gigantesque complexe industriel, financier, économique, politique, culturel et militaire du pays, c'est à dire le centre de décision national
- Affaiblir le système de sécurité de la dictature en forçant 1'ennemi à mobiliser ses troupes pour la défense de cette base de sustentation, sans qu'il sache jamais quand, où, comment il sera attaqué ;
- Attaquer de toutes parts, avec beaucoup de petits groupes armés, bien compartimentés et même sans éléments de liaison, afin de disperser les forces gouvernementales. Plutôt que de donner à la dictature 1'occasion de concentrer son appareil de répression en lui opposant une armée compacte, on se présentera avec une organisation très fragmentée sur tout le territoire national ;
- Donner des preuves de combativité, de détermination, de persévérance et de fermeté afin d'entraîner tous les mécontents à suivre notre exemple, à employer, comme nous, les tactiques de la guérilla urbaine. En procédant ainsi, la dictature devra envoyer des soldats garder les banques, les industries, les magasins d'armes, les casernes, les prisons, les bâtiments de l'administration, les stations de radio et de télévision, les firmes nord-américaines, les gazomètres, les raffineries de pétrole, les bateaux, les avions, les ports, les aéroports, les hôpitaux, les ambassades, les entrepôts d'alimentation, les résidences des ministres, des généraux et des autres personnalités du régime, les commissariats de police, etc.
- Augmenter graduellement les troubles par le déclenchement d'une série interminable d'actions imprévisibles, forçant ainsi le pouvoir maintenir le gros de ses troupes dans les villes, ce qui affaiblit la répression dans les campagnes ;
- Obliger l'armée et la police, ses commandants, ses chefs et leurs subordonnés à quitter le confort et la tranquillité des casernes et de la routine et les maintenir dans un état d'alarme et de tension nerveuse permanentes, on les attirer sur des pistes qui ne mènent nulle part ;
- Éviter la lutte ouverte et les combats décisifs, en se limitant à des attaques-surprise, rapides comme l'éclair ;
- Assurer au guérillero urbain une très grande liberté de mouvement et d'action, pour qu'il puisse maintenir une cadence soutenue dans l'emploi de la violence, aider ainsi au déclenchement de la guérilla rurale et, postérieurement, à la formation de l'armée révolutionnaire de libération nationale.

 

LES MODES D'ACTION DU GUERILLERO

Pour atteindre les objectifs énumérés ci-dessus, le guérillero urbain est obligé de recourir à des modes d'action les plus diversifiés possible, mais non pas arbitrairement choisis.
Certaines de ces actions sont simples ; d'autres, plus complexes. Aussi le guérillero qui débute devra-t-il suivre cette échelle allant du simple au compliqué. Avant d'entreprendre une mission, il doit considérer les moyens et les personnes dont il dispose pour l'accomplir. Il ne s'assurera la collaboration que de gens techniquement préparés. Ces précautions une fois prises, il pourra envisager les modes d'action suivants:
- L'attaque
- L'incursion ou invasion d'un lieu
- L'occupation d'un lieu
- Les embuscades
- Le combat tactique de rue
- La grève ou toute interruption de travail
- La désertion, le détournement ou 1' " expropriation " d'armes, de munitions et d'explosifs
- La libération de prisonniers.
- La mise à mort.
- L'enlèvement
- Le sabotage
- Le terrorisme
- La propagande armée
- La guerre des nerfs.

L'ATTAQUE
Certains raids doivent être réalisés de jour, par exemple quand il s'agit d'attaquer un fourgon postal ; d'autres, la nuit, lorsque c'est plus avantageux pour le guérillero. L'idéal serait que toutes les attaques aient lieu la nuit ; cela augmente l'effet de surprise et favorise la fuite.
On distingue les attaques contre des objectifs fixes, tels que les banques, les maisons de commerce, les casernes, les prisons, les stations de radio etc., des attaques contre des objectifs mobiles comme les voitures, les camions, les trains, les embarcations, les avions, etc. S'il s'avère difficile de détruire ces objectifs en mouvement, on cherchera à les arrêter, par exemple en dressant des barrages sur les routes, en tendant des embuscades.
Les véhicules lourds, les trains, les bateaux ancrés dans les ports, les avions peuvent être attaqués et leurs conducteurs ou pilotes maîtrisés par les guérilleros qui les dévieront de leur itinéraire.
Les raids contre des banques sont les modes d'action les plus populaires. Au Brésil, ils sont largement pratiqués ; nous en avons fait un peu comme un examen d'entrée dans l'apprentissage de la technique de la guerre révolutionnaire. Au cours de ces attaques, on peut faire usage de techniques variées: enfermer le personnel de la banque dans les toilettes on le faire asseoir sur le sol, immobiliser les soldats charges do la garder, leur prendre leurs armes, tandis qu'on forcera le gérant à ouvrir le coffre-fort. On peut, pour égarer la police, se déguiser ; et, dans la fuite, on tirera dans les pneus des véhicules qui chercheraient à prendre en chasse les guérilleros. Le fait d'y installer des sonneries d'alarme ou d'autres moyens électroniques destins à avertir la police n'empêche pas le guérillero de poursuivre ses opérations. Il emploiera, lui aussi, des moyens nouveaux, fera usage d'une puissance de feu croissante, sera entouré d'un plus grand nombre de compagnons et préparera l'attaque jusque dans les moindres détails.
Dans ce genre d'expropriations, les révolutionnaires souffrent d'une double concurrence:
- celle des bandits ;
- celle des contre-révolutionnaires de droite.
Ceci constitue un facteur de confusion pour la population. Le guérillero cherchera dès lors à l'éclairer sur le sens politique de son action, de deux façons:
- Il refusera de se comporter comme un bandit, c'est-à-dire d'abuser de la violence et de s'approprier de l'argent et des objets personnels des clients qui se trouveraient dans la banque.
- Il joindra, à l'expropriation, des actes de propagande, en écrivant sur les murs des slogans stigmatisant les classes dominantes et l'impérialisme, répandra des tracts, divulguera des circulaires énonçant les fins politiques qu'il poursuit.

LES INCURSIONS ET LES INVASIONS
Les incursions et les invasions sont des attaques-éclairs pratiquées contre des bâtiments situés dans les quartiers périphériques et même dans le centre des villes. Certaines incursions auront un double but exproprier, exercer des représailles, délivrer des camarades prisonniers, détruire la logistique de l'ennemi et aussi le forcer à se déplacer, l'entraîner loin de ses bases.
Certaines incursions auront pour objectif l'appréhension de documents ou de papiers secrets prouvant la corruption, les malversations, le trafic d'influence, les transactions criminelles passées avec des Nord-Américains dont sont coupables les hommes du gouvernement.

LES OCCUPATIONS DE LIEU
Un groupe de guérilleros urbains peut attaquer un lieu, s'y installer et résister à l'ennemi pendant un certain temps, afin de réaliser un acte de propagande. Les occupations d'école ou de fabrique on d'une station de radio sont particulièrement importantes car elles ont une très grande répercussion. Mais comme le danger de perdre des hommes et du matériel est plus grand, on veillera à préparer soigneusement la retraite. De toute façon, plus on est rapide dans l'accomplissement de l'opération de propagande projetée, mieux ça vaut.

LES EMBUSCADES
Les embuscades sont des attaques réalisées par surprise. Elles consistent à attirer l'ennemi dans un piège, par exemple en lui adressant un faux appel au secours. Le but des embuscades est de punir l'ennemi de mort ou de lui prendre ses armes.
Le guérillero franc-tireur peut facilement dresser des embuscades car il lui est aisé, puisqu'il est seul, de se cacher. Il peut se dissimuler sur les toits, à l'intérieur de certaines constructions, dans la nature.

LES COMBATS TACTIQUES DE RUE
Par les combats tactiques de rue, les guérilleros visent à s'allier la participation des masses contre l'ennemi. Au cours de l'année 1968, les étudiants brésiliens ont réussi à réaliser d'excellentes opérations tactiques, en lançant des milliers de manifestants dans les rues à sens unique et à l'encontre des voitures, en utilisant des lance-pierres et des billes de verre qu'ils répandaient entre les pattes des chevaux de la police montée. À part cela, on peut dresser des barricades, dépaver les chaussées, lancer, du haut des immeubles et des gratte-ciel, des bouteilles, des briques et autres projectiles.
Il faut aussi savoir répondre aux attaques de l'ennemi. Lorsque la police avance, armée de boucliers, il faut se scinder en deux groupes, l'un attaquant par-devant et l'autre par-derrière, l'un se retirant quand l'autre lance ses projectiles.
Lorsque les forces ennemies détachent un groupe de soldats ou de policiers pour encercler un ou plusieurs de nos camarades, nous devons, à notre tour, détacher un groupe plus important pour encercler ceux qui les encerclent.
Lorsque l'ennemi encercle des écoles, des usines, des lieux de rassemblement de la population, les guérilleros urbains ne doivent jamais ni se rendre ni se laisser surprendre. Dans ce but, ils auront soin, avant de pénétrer dans un de ces endroits, d'en étudier au préalable les issues possibles, les moyens de briser l'encerclement, et déterminer les points stratégiques et les chemins par où devront nécessairement passer les véhicules de la police. Ensuite, ils choisiront leurs propres points stratégiques, à partir desquels ils affronteront l'ennemi. Les chemins par où doivent passer les véhicules de la police seront minés.
Les guérilleros n'organiseront aucune réunion, assemblé ou occupation en des lieux dépourvus de bonnes possibilités de fuite.
C'est de cette façon que s'articule l'action des guérilleros urbains avec les mouvements de masses. Les guérilleros ont alors pour tâche d'encadrer, d'appuyer et de défendre les manifestations de masses. Contre ceux qui veulent assaillir les manifestants, ils tireront, incendieront les véhicules, séquestreront leurs occupants ou les fusilleront, en particulier les barbouzes et les chefs des polices parallèles qui, pour ne pas attirer l'attention, s'amènent dans des voitures particulières munies de fausses plaques.
Une autre de leurs missions est d'orienter les manifestants et de faciliter leur fuite. Ils seront, d'autre part, aidés par les francs-tireurs qui leur donneront la meilleure couverture possible.

LES INTERRUPTIONS DE TRAVAIL
La grève intéresse avant tout ceux qui étudient ou ceux qui travaillent. Comme elle constitue pour les exploités un moyen de pression très redouté, l'ennemi cherchera à l'empêcher ou à la briser en multipliant, s'il le faut, sa puissance de feu. Il cherchera à frapper les grévistes, à les arrêter ou même à les tuer.
Dans l'organisation des grèves, les guérilleros doivent donc procéder sans laisser le moindre indice pouvant mener à l'identification des responsables. Ils prépareront ces grèves, avec des petits groupes et dans le plus grand secret. Ils se muniront d'armes, d'explosifs, de cocktails Molotov et de bombes de fabrication artisanale afin de pouvoir affronter l'ennemi. Et pour que celui-ci soit gravement atteint, on aura aussi mis au point un plan de sabotage que l'on exécutera au bon moment. Les interruptions de travail ou d'étude, pour brèves qu'elles soient, n'en inquiètent pas moins l'ennemi. Il suffit, en effet, que surgissent, de différents points d'un lieu, des groupes troublant le rythme de vie quotidien et opérant comme un mouvement de flux et de reflux, pour créer une agitation qui est, elle aussi, une opération do guérilla.
Au cours de ces interruptions de travail, les guérilleros pourront occuper le local qui les intéresse afin d'y faire des prisonniers, d'emmener des personnes en otages, particulièrement des agents notoires de l'ennemi, afin de les échanger contre des grévistes détenus.
Ces grèves peuvent éga1ement favoriser la préparation d'embuscades dans le but de liquider physiquement les policiers les plus sanguinaires et les responsables des tortures infligées aux patriotes.

LES DESERTIONS ET LES DETOURNEMENTS OU " EXPROPRIATIONS " D'ARMES, DE MUNITIONS ET D'EXPLOSIFS
Les détournements d'armes sont pratiqués dans les casernes, sur les bateaux, dans les hôpitaux militaires, etc. Le guérillero urbain, qui est aussi soldat, caporal, sergent, sous-officier ou officier de l'armée, désertera au bon moment, emportant avec lui le plus d'armes possibles, les plus modernes, et des munitions qu'il mettra au service de la révolution.
Un de ces " bons moments " se présente quand le soldat est appelé à quitter sa garnison pour aller combattre ses camarades guérilleros ; il lui sera alors plus facile de leur remettre ses armes, les véhicules qu'il conduit ou l'avion qu'il pilote.
Ce moyen d'approvisionnement offre un grand avantage c'est avec les moyens de transport du gouvernement en place que, sans qu'ils se donnent beaucoup de peine, les guérilleros sont pourvus d'armes et de munitions.
Les camarades qui sont militaires seront, de toute façon, attentifs à choisir d'autres occasions d'aider ainsi les révolutionnaires. Si ceux qui les commandent sont mous, versent dans le bureaucratisme, s'acquittent mal de leurs tâches, ils ne feront rien pour y remédier ; ils se contenteront d'en aviser 1'organisation révolutionnaire à laquelle ils sont liés et prépareront, seuls ou avec d'autres compagnons, leur désertion, non sans veiller à emporter tout ce qu'ils peuvent.
Les incursions de guérilleros à l'intérieur des casernes et autres bâtiments militaires, réalisées dans le but de dérober des armes, pourront être préparées avec la collaboration des camarades soldats.
S'il n'est vraiment pas possible de déserter en emportant des armes, ces camarades devront alors se vouer au sabotage faire exploser ou incendier des dépôts d'armes, d'explosifs et de munitions. Toutes ces activités affaiblissent et découragent fortement l'ennemi.
Les guérilleros captureront encore des armes en saisissant celles que portent les sentinelles ou toute personne remplissant une mission de surveillance ou de répression. On procédera par la violence ou par la surprise et l'astuce. Lorsqu'on désarme un ennemi, il faut toujours le fouiller afin de savoir s'il ne possède pas une autre arme cachée dont il pourrait se servir contre celui qui l'assaille.
Dans la mesure où se multiplie le nombre de patriotes décidés à passer à l'action, ces captures d'armes se font de plus en plus nécessaires. Souvent, le guérillero commencera à lutter avec une arme qu'il aura achetée ou dérobée ; ensuite il lui faudra agir avec audace et esprit de décision ; notre force est celle de nos armes.
Lors des attaques contre des banques, on saisira aussi systématiquement les armes des soldats de la garde civile charges de les protéger ainsi que celles des gérants ou des trésoriers.
Enfin, on pourra s'armer aux frais des commissariats de police, des magasins spécialisés dans la vente de ces objets et des fabriques d'armes, en opérant contre eux des raids. On dérobera aussi les explosifs dont on se sert dans les carrières.

LA LIBERATION DES PRISONNIERS
Certaines actions à main armée sont destinés à délivrer des guérilleros sous les verrous. Tout révolutionnaire court le risque d'être, un jour, arrêté et condamné à de nombreuses années de détention. Son combat n'en sera pas pour autant terminé ; l'expérience de la prison sera un enrichissement et, en prison toujours, il devra continuer la lutte.
Il cherchera d'abord à bien connaître le lieu de sa détention avant de pouvoir s'échapper rapidement et facilement, lorsque des camarades armés viendront le libérer. Aucune prison, qu'elle soit située dans une île du littoral, en ville ou à la campagne, ne peut être considérée comme inexpugnable, face à l'astuce et à la puissance de feu des révolutionnaires.
Le guérillero en liberté cherchera, lui, à connaître les établissements pénitentiaires de 1'ennemi car il sait qu'y croupissent beaucoup de ses frères d'armes. C'est du travail du guérillero en liberté et du guéri1lero emprisonné que dépend le salut des prisonniers.
Les opérations pouvant y conduire sont les suivantes:
- Les mutineries à l'intérieur des maisons de correction, des colonies pénitencières, dans les îles réservées aux détenus, sur les navires-prisons ;
- Les attaques partant de l'extérieur ;
- Les attaques contre les trains et les véhicules de transport des prisonniers ;
- Les embuscades dressées contre les soldats ou les policiers chargés de les escorter.

LA MISE A MORT
Seront punis de mort des gens comme les espions américains, les agents de la dictature, les tortionnaires, les personnalités fascistes du gouvernement coupables de crimes et de poursuites contre les patriotes, les délateurs et les informateurs de la police. Ceux qui, de leur propre gré, se rendent à la police pour dénoncer des militants, fournir des renseignements, aider les enquêteurs, s'ils tombent sur des guérilleros, ceux-ci devront les abattre.
Ces mises à mort sont des actions secrètes ; n'y participe que le plus petit nombre possible de guérilleros. Très souvent, un simple franc-tireur, patient et inconnu, qui agit dans la plus rigoureuse clandestinité et avec le plus grand sang-froid, pourra s'acquitter de cette tâche.

L'ENLEVEMENT
On pourra kidnapper et détenir dans un endroit secret un agent de la police, un espion nord-américain, une personnalité politique ou un ennemi notoire et dangereux du mouvement révolutionnaire. On ne libérera la personne enlevée que quand les conditions formulées par les ravisseurs auront été remplies : la remise en liberté de révolutionnaires emprisonnés ou la suspension des tortures appliquées dans les geôles du gouvernement.
L'enlèvement de personnalités connues pour leurs activités artistiques, sportives ou autres, mais qui ne manifestent pas d'opinion politique, peut constituer une forme de propagande favorable aux révolutionnaires mais cet enlèvement ne se fera que dans des circonstances très spéciales et de telle sorte que le peuple l'accepte avec sympathie.
L'enlèvement de personnalités américaines résidant au Brésil ou y venant en visite constitue une forme importante de protestation contre la pénétration de l'impérialisme des États-Unis dans notre pays.

LE SABOTAGE
Le but des sabotages est de détruire. Peu de personnes, parfois une seule, peuvent réaliser ces opérations. Quand un guérillero envisage de saboter, il le fait d'abord seul. Postérieurement, il agira avec d'autres personnes de telle sorte que se généralise, parmi le peuple, cette pratique.
Un sabotage bien fait exige étude, planification et parfaite exécution. Les formes les plus caractéristiques du sabotage sont le dynamitage, l'incendie et le minage. Un peu de sable, la moindre fuite de combustible, une lubrification mal faite, un boulon mal vissé, un court-circuit, des pièces de bois ou de fer mal agencées peuvent causer des désastres irréparables.
En sabotant, on cherchera à affaiblir, détériorer ou même anéantir les appoints vitaux de l'ennemi tels que :
- L'économie du pays, en s'attaquant en particulier au réseau commercial interne et externe, aux secteurs cambiste, bancaire et fiscal ;
- La production agricole et industrielle ;
- Le système des transports et communications ;
- Le système de répression militaire et policier, surtout leurs établissements et leurs dépôts ;
- Les firmes et les biens des Nord-Américains établis dans le pays.

Pour les opérations de sabotage industriel, les éléments les mieux placés sont les ouvriers. Ceux-ci connaissent en effet comme personne les fabriques dans lesquelles ils travaillent, les machines ou les pièces dont la destruction peut paralyser tout le processus de production.
Dans les attaques contre les moyens de transport, il faut veiller à ne pas provoquer la mort des voyageurs, surtout en ce qui concerne les trains de banlieue et ceux qui parcourent de longues distances, puisque ceux qui les prennent sont des gens du peuple. D'ailleurs, c'est avant tout les services de communication utilisés à des fins militaires qu'il faut détruire. Faire dérailler les wagons d'un train chargé de combustible signifie atteindre l'ennemi dans ce qui, pour lui, est vital. Il en va de même pour le dynamitage des ponts et chemin de fer, car il lui faudra des mois pour réparer les dommages causés. Les file des lignes télégraphiques et téléphoniques pourront être systématiquement coupés et les centres de transmission détruits. Les oléoducs, les stocks de combustible, les réserves de munitions, les arsenaux, les casernes, les moyens de transport de la police et de l'armée doivent être systématiquement sabotés.
Le volume des actes de sabotage contre les firmes et les biens nord-américains doit être égal, sinon supérieur, à celui des actes pratiquée contre des objectifs nationaux.

LE TERRORISME
Nous entendons par terrorisme le recours aux attentats à la bombe. Ne pourront s'y livrer que ceux qui ont acquis une bonne connaissance technique dans la fabrication des explosifs et qui seront dotés du plus grand sang-froid. Parfois, on inclura dans les actes de terrorisme la destruction de vies humaines et l'incendie d'installations nord-américaines ou de certaines plantations.
Si l'on envisage de piller des stocks de produits alimentaires, il faut veiller à ce que la population puisse en profiter, surtout dans les moments et aux endroits où sévissent la faim ou la cherté de la vie. Le guérillero sera toujours disponible à l'égard du terrorisme révolutionnaire.

LA PROPAGANDE ARMEE
L'ensemble des actes perpétrés par les guérilleros urbains, et chaque action à main armée en particulier, constituent le travail de propagande armée. Les " mass media " d'aujourd'hui, par le simple fait de divulguer ce que font les révolutionnaires, sont d'importants instruments de propagande. Leur existence ne dispense cependant pas les militants d'organiser leur propre presse clandestine, de posséder leurs propres imprimante qu'ils auront " expropriées " s'ils n'ont pas de quoi les acheter. Car il faut publier et répandre, parmi le peuple, des journaux clandestins, des manifestes et des tracts dénonçant les méfaits de la dictature ou favorisant l'agitation. L'existence de cette presse sert, par ailleurs, à rallier de nombreuses personnes à notre cause.
Les camarades qui ont l'esprit inventif fabriqueront des catapultes destinées au lancement de ces tracts et manifestes. On cherchera encore à faire passer sur les antennes des stations de radio des messages révolutionnaires enregistrés sur bandes. On écrira aussi des slogans sur les murs et à des endroits difficilement accessibles. On enverra aussi des lettres de menaces, de propagande, ou bien visant à expliquer le sens de notre lutte à certaines personnalités qui chercheront à les divulguer pour impressionner la population.
Comme on ne ralliera jamais tous les citoyens, on peut populariser le slogan suivant " Que celui qui ne veut rein faire pour la révolution ne fasse non plus rien contre elle. "

LA GUERRE DES NERFS
La guerre des nerfs ou guerre psychologique est une technique de lutte basée sur l'utilisation directe ou indirecte des media ou du " téléphone arabe ". Son but est de démoraliser le gouvernement. On y arrive en divulgant des informations fausses, contradictoires, en semant le trouble, le doute et l'incertitude parmi les agents du régime. Dans la guerre psychologique, le gouvernement se trouve en position de faiblesse, aussi censure-t-il les moyens de communication. Cette censure se retourne contre lui, car il se rend impopulaire ; il lui faut par ailleurs exercer une surveillance sans relâche, ce qui mobilise beaucoup d'énergie. Les moyens de la guerre des nerfs sont les suivants:
- Le té1éphone et l'envoi de lettres. Par ces moyens, on informera la police sur la prétendue localisation de bombes à retardement, sur des projets d'enlèvement ou d'assassinat de certaines personnalités, ce qui obligera les forces de répression à se mobiliser pour rien, à perdre du temps, à douter de tout ;
- Livrer à la police de faux plans d'attaque ;
- Répandre des rumeurs sans fondement ;
- Exploiter systématiquement la corruption, les erreurs et les méfaits de certains gouvernants, les forçant ainsi à se justifier ou à démentir les bruits répandus par les moyens de communication qu'ils ont eux-mêmes censurés. En informant les ambassades étrangères, l'O.N.U., la nonciature apostolique, les commissions internationales de juristes et des droits de l'homme, les associations chargées de défendre la liberté de la presse, sur la violence et les tortures exercées par les agents de la dictature.

 

LES METHODES QU'IL FAUT SUIVRE

Le citoyen qui veut devenir guérillero ne pourra agir que s'il domine parfaitement les méthodes qu'il faut suivre. Les hors-la-loi commettent souvent sur ce point des erreurs graves et qui les perdent. Les patriotes auront donc soin d'user d'une technique révolutionnaire et non pas d'emprunter celle des bandits. C'est en fonction de la méthode employée qu'on saura si c'est bien un guérillero qui a commis tel ou tel acte. Les méthodes qu'il faut suivre sont constituées par l'usage ou l'application des éléments suivants:
- L'enquête et le service d'informations.
- L'observation qu'il convient de combiner avec ce qui précède pour voir s'il y a correspondance avec les renseignements cueillis.
- L'exploration du terrain.
- La reconnaissance et le chronométrage des itinéraires.
- La planification.
- La motorisation.
- La sélection du personnel et son renouvellement.
- La sélection basée sur les capacités de tir.
- La simulation de l'action projetée en guise de répétition.
- L'exécution.
- La protection des exécutants.
- La retraite.
- L'enlèvement ou le transport des blessés, en évitant de le faire à bord de véhicules où se trouvent des enfants. Le mieux est d'emporter, à pied, les blessés, en empruntant des chemins assez étroits pour que l'ennemi ne puisse passer avec ses moyens de locomotion.
- Le brouillage des pistes.

L'AIDE AUX BLESSES

Au cours des opérations de guérilla urbaine, il peut arriver qu'un des compagnons soit victime d'un accident ou soit blessé par la police. Si, dans le " groupe de feu ", se trouve quelqu'un qui est secouriste, il lui donnera les premiers soins. En ce sens, il faudra veiller à ce que des cours de secourisme soient organisés à l'intention des combattants. Le rôle des guérilleros médecins, étudiants en médecine, infirmiers, pharmaciens, est important. Ceux-ci pourront rédiger un petit manuel de secourisme à l'intention de leurs camarades.
En aucun cas le guérillero blessé ne devra être abandonné sur le lieu du combat.
Lorsqu'il préparera une opération, le groupe devra s'assurer un appoint médical. Il utilisera, par exemple, une petite infirmerie mobile montée à l'intérieur d'une automobile, ou il placera à un endroit proche du lieu de l'opération, un camarade muni d'une trousse pour les soins. L'idéal serait de disposer d'une clinique propre à l'organisation mais cela coûterait si cher qu'on ne pourrait guère l'envisager qu'en " expropriant " du matériel nécessaire à son équipement. En attendant, il faudra bien recourir aux cliniques légales, non sans faire usage des armes pour forcer les médecins à soigner nos blessés. Au cas où nous aurions besoin d'acheter du sang ou du plasma sanguin dans des " banques de sang ", il ne faudra jamais donner les adresses où sont hébergés les blessés ni celles des personnes chargées de s'en occuper. Ces adresses ne seront, du reste, connues que du très petit groupe chargé du transport et du traitement des blessés.
Les linges, bandages, mouchoirs, etc. tachés de sang, les médicaments et tout autre objet ayant servi aux soins seront obligatoirement retirés des maisons par où sont passes les blessés.

LA SECURITE DU GUERILLERO

Le guérillero urbain est sans cesse exposé à la dénonciation ou à la découverte par la police. Pour y parer, il doit s'entourer d'assez de garanties touchant sa cachette, sa personne et celle de ses camarades. Nos pires ennemis sont, en effet, les espions infiltrés dans nos rangs. On punira de mort ceux qui seront découverts, ainsi que les déserteurs qui se mettraient à renseigner la police sur ce qu'ils savent. Le meilleur moyen d'empêcher cette infiltration est la prudence et la sévérité que l'on observera dans le recrutement.
On ne permettra pas non plus que tous les militants se connaissent ou qu'ils soient au courant de tout. Chacun ne saura que ce qui est nécessaire à l'accomplissement de sa mission. La lutte que nous menons est dure; c'est une lutte de classe et, comme telle, c'est une question de vie ou de mort, lorsque les classes qui s'affrontent sont antagoniques.
Par manque de vigilance, un guérillero peut avoir l'imprudence de révéler son adresse ou tout indication également secrète à un ennemi de classe. C'est là chose inadmissible. Les annotations dans la marge des pages de journal, les documents oubliés, les cartes de visite, les lettres et les billets sont des indice que la police ne négligera pas. L'usage d'un carnet d'adresses, de papiers portant des numéros de téléphone, des noms, des indication biographiques, des cartes et des plans, doit être aboli. Les lieux de rendez-vous seront retenus de mémoire. Celui qui transgressera ces normes sera averti par le premier camarade qui s'en rendra compte; s'il persévère dans l'erreur, on cessera de travailler avec lui.
Les mesures de sécurité à prendre pourront varier en fonction des mouvements de l'ennemi. Cela suppose, évidemment, que l'on soit bien renseigné, que le service d'information fonctionne normalement. Il sera dès lors utile de lire les journaux, en particulier la page qui rapporte les activités de la police.
En cas d'arrestation, le guérillero ne pourra rien révéler qui puisse nuire à l'organisation, causer l'arrestation d'autres camarades ou la découverte des dépôts d'armes et de munitions.

LES SEPT ERREURS DU GUERILLERO URBAIN

Quand bien même le guérillero urbain suivrait rigoureusement les normes de sécurité, il n'en resterait pas moins sujet à l'erreur. Il n'y a pas de guérillero parfait ; on peut tout juste s'efforcer de diminuer la marge de ces erreurs. Nous en voyons sept que nous chercherons à combattre:
- L'inexpérience, qui fait que l'on juge l'ennemi stupide, que l'on sous-estime ses capacités, que l'on trouve les choses faciles à faire et, de ce fait, qu'on laisse des traces qui peuvent être fatales. Cette même inexpérience peut conduire le guérillero à surestimer les forces adverses. Son assurance, son esprit de décision, son audace, s'en ressentiront ; il en sera plus facilement intimidé.
- La vantardise, qui fait que l'on propage aux quatre vents ses faits d'armes.
- La surestimation de la lutte urbaine. Ceux qui se laissent enivrer par les actes de guérilla dans les villes risquent de ne pas se préoccuper beaucoup du déclenchement de la guérilla rurale. Ils finissent par considérer la guérilla urbaine comme décisive et par y consacrer toutes les forces de 1'organisation. La ville est susceptible d'être l'objet d'un encerclement stratégique, que nous ne pourrons éviter ou rompre que lorsque sera déclencher la guérilla rurale. Tant que celle-ci n'aura pas surgi, l'ennemi pourra toujours nous porter des coups graves.
- La disproportion dans l'action par rapport à l'infrastructure logistique existante.
- La précipitation en vertu de laquelle on perd patience, on s'énerve et on passe à l'action au risque de subir les plus grosses pertes.
- La témérité, qui fait que l'on attaque l'ennemi à un moment où celui-ci se fait particulièrement agressif.
- L'improvisation.

L'APPUI DE LA POPULATION

Le guérillero urbain cherchera toujours à situer son action dans un sens favorable aux intérêts du peuple, afin d'obtenir son appui. Là où apparaîtront l'ineptie et la corruption du gouvernement, le guérillero urbain devra montrer que c'est cela qu'il combat. Ainsi, une des exigences les plus lourdes du gouvernement actuel concerne la perception d'impôts très élevés. Le guérillero s'attachera dès lors à attaquer le système fiscal de la dictature, à entraver, avec tout le poids de la violence révolutionnaire, son fonctionnement. Il n'épargnera pas les hommes et les institutions du régime responsables de la hausse du coût de la vie, les riches commerçants brésiliens et strangers, les grands propriétaires, tous ceux qui, grâce à la cherté de la vie, aux mauvais salaires et à l'augmentation des loyers, font de fabuleux bénéfices.
L'insistance que met le guérillero à intercéder en faveur du peuple est la meilleure manière d'obtenir son appui. À partir du moment où une bonne partie des citoyens commence à prendre au sérieux son action, la victoire lui est assurée. Le gouvernement ne pourra plus qu'intensifier la répression, ce qui rendra la vie des citoyens plus insupportable. Les foyers seront violés, des battues de police organisées, des innocents arrêtés, des voies de communication fermées. La terreur policière s'installera, les assassinats politiques se multiplieront ; ce sera la persécution politique massive. La population refusera de collaborer avec les autorités qui ne pourront plus, pour vaincre les difficultés, que recourir à la liquidation physique des opposants. La situation politique du pays se transformera en situation militaire et les " gorilles " passeront pour être les responsables de toutes les violences, des erreurs et des calamités qui pèsent sur le peuple. Lorsqu'ils verront qu'en conséquence du développement de la guerre révolutionnaire, les militaires de la dictature roulent vers l'abîme, les éternels temporisateurs des classes dominantes et les opportunistes de droite, partisans de la lutte pacifique, supplieront les " gorilles " d'entamer le processus de " redémocratisation ", de réformer la constitution, etc. afin de tromper les masses et d'affaiblir l'impact de la révolution. D'ores et déjà, cependant, aux yeux du peuple, les élections ne seront plus qu'une farce. Et cette farce, le guérillero urbain doit la combattre en redoublant de violence et d'agressivité. En agissant ainsi, on empêchera la réouverture du Congrès, la réorganisation des partis, celui du gouvernement et celui de l'opposition tolérée, qui dépendent du bon plaisir de la dictature et dont les représentants sont comme les marionnettes d'un même guignol.
C'est de cette façon que les guérilleros gagneront l'appui des masses, renverseront la dictature et secoueront le joug nord-américain. À partir de la rébellion dans les villes, on arrivera vite à déclencher la guérilla rurale dont la préparation dépend de la lutte urbaine.

LA GUERILLA URBAINE, ECOLE DE FORMATION DU GUERILLERO

La révolution est un phénomène social qui dépend des armes et des fonds. Ceux-ci existent dans le pays ; il suffit d'avoir des hommes pour s'en emparer. Ces hommes devront, pour leur part, être dotés de deux exigences révolutionnaires fondamentales:
- Une forte motivation politique
- Une bonne préparation technique.
On les trouvera dans l'immense contingent des ennemis de la dictature militaire et de l'impérialisme des États-Unis. Il en arrive presque quotidiennement qui sont désireux de s'intégrer dans la guérilla urbaine. C'est ce qui explique que chaque fois que la réaction annonce la liquidation d'un groupe de révolutionnaires, celui-ci renaît de ses cendres. Les hommes les mieux entraînés, les plus riches d'expérience tant sur le plan de la guérilla urbaine que sur celui de la guérilla rurale, constituent l'épine dorsale de la guerre révolutionnaire et le point de départ de la future armée de libération nationale. Ce noyau central, dont les membres n'ont rien à voir avec les bureaucrates et les opportunistes des lourds appareils politiques, les radoteurs et les signataires de motions, n'hésite pas à participer aux actions révolutionnaires. Il est armée d'une discipline solide, d'une vue tactique et stratégique à long terme, de la théorie marxiste, du léninisme et du castro-guévarisme appliqués aux conditions concrètes de la réalité brésilienne.
De ce groupe se détacheront les hommes et les femmes d'excellente formation politico-militaire qui, après la victoire de la révolution, auront pour tâche de construire la nouvelle société brésilienne. Ces hommes et ces femmes se recruteront parmi les ouvriers, les étudiants, les intellectuels, les prêtres et les religieux révolutionnaires, les paysans qui affluent vers les villes, attirés par le besoin de trouver du travail et qui, politisés et entraîné, retourneront dans les campagnes. Et c'est dans la guérilla urbaine que se forgera l'alliance armée de ces différents groupes. Les ouvriers connaissent bien le secteur industriel des villes qu'il s'agit d'attaquer. Les paysans connaissent d'instinct la terre, sont astucieux et peuvent admirablement communiquer avec la multitude des humiliés. Ils organisent les points d'appui nécessaires à la lutte dans les campagnes, aménagent les cachettes pour les hommes, les armes et les munitions, constituent des réserves alimentaires à partir de la culture des céréales, s'occupent du bétail qui nourrira les guérilleros, forment des guides et organisent les services d'information.
Les étudiants, dont le tranchant est bien connu, renversent à souhait les tabous pacifistes et opportunistes, acquièrent en peu de temps une bonne formation politique, technique et militaire. Et comme ils n'ont pas grand-chose à faire, une fois qu'ils ont été expulsés des écoles où ils étudiaient, ils peuvent se consacrer entièrement à la révolution. Les intellectuels jouent un rôle fondamental dans la lutte contre l'arbitraire, l'injustice sociale et l'inhumanité de la dictature. Jouissant d'un grand prestige et d'un grand pouvoir de communication, ils entretiennent la flamme révolutionnaire. La participation d'intellectuels et d'artistes à la guérilla urbaine est un des plus beaux acquis de la Révolution brésilienne. L'adhésion de pasteurs de diverses confessions et de religieux est importante sur le plan de la communication avec le peuple et, en particulier, avec les ouvriers, les paysans et les femmes du pays. Certaines de nos concitoyennes, intégrées dans la guérilla urbaine, ont fait preuve d'une combativité et d'une ténacité extraordinaires, en particulier au cours d'attaque contre des banques et des casernes et, aussi, en prison.
La guérilla urbaine est une excellente école de formation. Qu'ils soient chauffeurs, messagers, tireurs d'élite, informateurs, propagandistes ou saboteurs, les guérilleros luttent, souffrent, et courent ensemble les mêmes risques. Ils affrontent ensemble les épreuves de sélection.

 

CARLOS MARIGHELA, ACTION DE LIBERATION NATIONALE, JUIN 1969

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