MANUEL DU GUERILLERO URBAIN
PAR CARLOS MARIGHELA

En rédigeant ce manuel, je désire rendre un double hommage. Le premier, à la mémoire d'Edson Luis José de Almeida, " Escoteiro " et tant d'autres combattants et guérilleros urbains, assassinés par la police politique (la D.O.P.S.) et par l'armée de la dictature militaire qui sévit au Brésil. Le second à nos courageux camarades, hommes et femmes, qui croupissent dans les geôles qui n'ont rien à envier aux crimes commis par les nazis. Comme ce le fut pour eux, notre seul devoir est de lutter.

AVERTISSEMENT

Toute personne hostile à la dictature militaire ou tout autres formes d'exploitation et d'injustice, désireuse de combattre peut faire quelques choses, même si cette action est modeste, plusieurs petites action en feront naître une immense. Ceux qui, après avoir lu ce manuel, auront conclu qu'il s ne peuvent rester passifs, je les invite à suivre les instructions que je propose et à s'engager tout de suite dans la lutte. Car, en toute hypothèse et dans toutes circonstances, le devoir du révolutionnaire est de faire la révolution.
S'il importe de lire cette ouvrages, il est également très souhaitable de la divulguer. Que ceux qui acceptent les idées qui s'y trouvent défendues, la fasse ronéotyper ou imprimer, fût-ce sous la protection d'un groupe armé.
Si je l'ai signée, c'est parce qu'elle est le résultat systématisé d'une expérience vécue par un groupe d'hommes qui , au Brésil, luttent les armes à la main et dont j'ai l'honneur de faire partie. Contre ceux qui mettent en doute ce que j'y recommande, qui continuent d'affirmer que ne sont pas encore réunis les conditions propre au combat ou qui nient les faits décrits, le mieux est que je revendique ouvertement la responsabilité de mes paroles et de mes actions. Je refuse donc les commodités ambiguës de l'anonymat.
Mon but est de recruter le plus grand nombre possible de partisans. Le nom d'agresseur ou de terroriste n'a plus le sens qu'on lui donnait jadis. Il ne suscite plus la terreur ou le blâme ; il éveille des vocations. Être appelé " agresseur " ou " terroriste ", dans le Brésil d'aujourd'hui, honore le citoyen, puis que cela signifie qu'il lutte, les armes à la main, contre la monstruosité et l'abjection que représente l'actuelle dictature militaire.

- Préface Québécoise
- Qu'est-ce qu'un guérillero urbain ?
- Les qualités personnelles de guérillero urbain
- Comment vit et subsiste le guérillero urbain ?
- La préparation technique du guérillero urbain
- Les armes du guérillero urbain
- Le tir, raison d'être du guérillero urbain
- Les " groupes de feu "
- La logistique du guérillero urbain
- La technique du guérillero urbain
- L'aide aux blessés
- La sécurité du guérillero
- Les 7 erreurs du guérillero urbain
- L'appui de la population
- La guérilla urbaine, école du formation du guérillero

PREFACE QUEBECOISE

Cette brochure relève, bien sûr, de la situation pré-révolutionnaire existant déjà au Brésil au moment où elle a été publiée, en juin 1969. Il faut donc bien comprendre, au départ, de son utilisation dans le contexte québécois a pour but véritable la formation de militants révolutionnaires pour le moment tactique où seront réunies les conditions objectives permettant de mettre en pratique les méthodes qu'elle préconise. Non pas que le Brésil soit plus ou moins colonisé et victime de l'impérialisme mondiale que le Québec, mais tout simplement parce que le mouvement révolutionnaire est passé à l'action directe dans ce pays depuis longtemps et que, par conséquent, il est d'ores et déjà possible de se livrer là-bas à cette phase directe de la lutte.
Ce que les militants québécois doivent savoir dès aujourd'hui, c'est la véritable dimension de la lutte qu'ils entendent mener, soit une organisation révolutionnaire québécoise dans l'objectif d'une libération mondiale. Ce que chacun de nous doit déterminer immédiatement, c'est s'ils veulent vraiment la libération totale des exploitéEs de l'emprise du capitalisme mondiale en vue de l'instauration d'une Masse véritablement libre où 7 milliards de personnes libérés pourront s'autogérer dans les structures les plus démocratiques, à la lumière des expériences socialistes, anarchistes et autogestionnaire qu'on vécues certains pays à un moment ou l'autre des 80 dernières années. Si c'est vraiment là le but que nous poursuivons, il n'y a qu'une voie, la révolution, et qu'un moyen d'accès à cette voie, la guérilla.
Ces prémices étant posées, il faut, si l'on est sérieux, lire avec respect la brochure de Carlos Marighela. Elle repose sur une vaste expérience pratique qui a permis, entre autres, aux guérilleros brésiliens d'accomplir les premier, une série d'enlèvements de diplomates étrangers qui ont amené la libération de plusieurs prisonniers politiques. On pourra y trouver la formation académique et technique essentielle à la mise sur pied, dans un avenir rapprocher de plus en plus, d'une guérilla urbaine québécoise, arme essentielle de la prochaine phase de notre combat.
Bien sûr, pour le moment encore, l'essentiel de nos efforts doit être consacré à la politisation, à l'éducation, à l'information des masses, mais il importe de former parallèlement des militants directs dont le rôle ne comporte aucune équivoque et sera absolument essentiel à plus ou moins brève échéance.

QU'EST-CE QU'UN GUERILLERO URBAIN ?

La crise chronique des structures qui caractérise la situation au Brésil et l'instabilité politique qui en découle ont favorisé le déclenchement de la guerre révolutionnaire. Celle-ci se manifeste en termes de guérilla urbaine, de guérilla rurale ou de guerre psychologique. C'est au guérillero urbain qu'il incombe de faire, dans les villes, la guérilla aussi bien que la guerre psychologique. C'est de lui que je parlerai.
Le guérillero urbain est un homme armé qui lutte contre la dictature militaire ou tout autres formes d'oppression par des moyens non conventionnels. Révolutionnaire sur le plan politique et vaillant patriote. Il lutte pour la libération de son pays, il est ami du peuple et de la liberté. Son champ de bataille, ce sont les grandes villes du pays.
Dans ces villes agissent également des bandits communément traités, au Brésil, de " marginaux ". Il arrive souvent que des attaques lancées par ces hors-la-loi passent pour des actions opérées par de guérilleros. Ceux-ci diffèrent cependant radicalement de ceux-là. Le " marginal " n'a en vue que son profit personnel et attaque sans discrimination les exploiteurs ou les exploités, ce qui fait que nombre de victimes sont des hommes et des femmes du peuple. Le guérillero urbain, lui, lutte dans un but politique et n'attaque que le gouvernement, les grands capitalistes et les agents de l'impérialisme, en particulier les Américains du Nord.
D'autres éléments aussi nuisibles que les hors-la-loi sévissent dans les villes ; ce sont les contre-révolutionnaires de droite, qui sèment la confusion, dévalisent des banques, enlèvent ou assassinent des guérilleros, des prêtres révolutionnaire, des étudiants et des citoyens ennemis du fascisme et amants de la liberté. Le guérillero urbain est un implacable ennemi du gouvernement ; il porte systématiquement préjudice aux autorités et aux hommes qui dominent le pays et détiennent le pouvoir. Sa tâche principale est de déjouer, discréditer et harceler les militaires et toutes les forces de répression, de détruire ou de saccager les biens appartenant aux nord-américains, aux chefs d'entreprise étrangers ou à la grande bourgeoisie brésilienne.
Le guérillero urbain ne craint pas de démanteler et de détruire le système économique, politique et social en vigueur, car son objectif est d'aider la guérilla rurale et de contribuer à l'instauration de structures sociales et politiques entièrement nouvelles et révolutionnaires, où le pouvoir sera donné au peuple armé.
Le guérillero urbain doit acquérir un minimum de connaissances politiques. Il convient qu'il cherche à lire les écrits suivants :
- La Guerre de guérilla, de Che Guevara (publié dans Écrits militaires, petite Maspéro, Paris)
- Quelques questions sur les guérillas au Brésil
- Opérations et tactiques de guérilla (publié dans le numéro de 1969 des temps modernes)
- Problèmes et Principes de stratégie (publié dans le numéros de 1969 des temps modernes)
- Quelques principes tactiques pour les camarades qui réalisent des opérations de guérilla
- Questions touchant l'organisation (publié dans le numéro de 1969 des temps modernes)
- Le rôle de l'action révolutionnaire dans l'organisation (publié dans le numéro de 1969 des temps modernes)
- Le guérillero, journal des groupes révolutionnaires brésiliens.

LES QUALITES PERSONNELLES DU GUERILLERO URBAIN

Le guérillero urbain se caractérise par le courage et l'esprit d'initiative. Il doit être un grand tacticien et bon tireur. Il compensera par l'astuce son infériorité sur le plan des armes, des munitions et de l'équipement.
Le militaire de carrière ou le policier au service du gouvernement disposent d'un armement moderne et de bons véhicules ; ils peuvent circuler librement, aller où ils veulent, puisqu'ils ont pour eux l'appui du pouvoir. Le guérillero urbain, qui ne peut compter sur toutes ces ressources, agit dans la clandestinité. Il arrive qu'il ait déjà été condamné ou que pèse contre lui un décret de prison préventive ; il est, dans ce cas, contraint de faire usage de faux papiers.
Le guérillero urbain possède toutefois un gros avantage sur le soldat conventionnel ou sur le policier : il défens une juste cause, celle du peuple, tandis que les deux autres se rangent du côté de l'ennemi que le peuple déteste.
Les armes du guérillero urbain sont inférieures à celles de son ennemi ; mais, sur le plan moral, sa supériorité est indiscutable.
C'est grâce à elle qu'il peut remplir ses tâches principales qui sont d'attaquer et de survivre.
Le guérillero urbain doit, pour pouvoir lutter, prendre à l'ennemi ses armes. Comme celles-ci tombent entre ses mains dans les circonstances les plus diverses, il finit par se trouver en possession d'un armement assez varié et pour lequel manquent les munitions correspondantes.
Le guérillero urbain ne dispose d'aucun lieu où il puisse s'exercer au tir.
Ces difficultés, il les vaincra grâce à son pourvoir d'imagination et à sa capacité créatrice, qui sont indispensable s'il veut mener à bien sa tâche de révolutionnaire.
Le guérillero urbain doit être doté d'esprit d'initiative, d'une grande mobilité, de souplesse, du sens de l'adaptation et de beaucoup de sang-froid, la qualité principale étant l'esprit d'initiative, car on ne peut pas toujours tout prévoir et le guérillero urbain ne peut se permettre de tomber dans la perplexité ni attendre que lui soit donné un ordre. Il doit agir, envisager, pour chaque problème qui se présente, la solution correspondante, et ne pas remettre à plus trad. Il vaut mieux agir et se tromper que ne rien faire par souci d'éviter l'erreur. C'est bien connu l'humain apprend de ses erreurs. Sans esprit d'initiative, il n'y a pas de guérilla urbaine. D'autres qualités sont souhaitées ; il faut être bon marcheur, pouvoir résisté à la fatigue, la faim, à la pluie et à la chaleur ; il faut savoir se cacher et veiller, connaître l'art du déguisement, ne jamais craindre le danger, être capable d'agir de nuit comme de jour, ne pas agir avec précipitation, être doté d'une patience sans limites, garde son calme et son sang-froid dans les pires situations, ne pas laisser la moindre trace et ne pas de décourager.
Face aux difficultés qu'ils considèrent comme presque insurmontables, certains guérilleros faiblissent, se désistent ou démissionnent.
La guérilla urbaine n'est pas une affaire commerciale, un centre d'embauche ni la représentation d'une pièce de théâtre. On s'y engage comme on s'engage dans la guérilla rurale. Si on manque des qualités requises, il vaut mieux renoncer à devenir un guérillero urbain mais vous pouvez faire parti des réseaux de soutien et d'information.

COMMENT VIt ET SUBSISTE LE GUERILLERO URBAIN ?

Le guérillero urbain doit savoir-vivre au milieu du peuple et veiller à ne se distinguer en rien du citoyen ordinaire.
Il ne peut se vêtir d'une façon qui attire l'attention. Des vêtements excentriques et à la mode détonnent dans les quartiers ouvriers. Il en va de même pour ceux qui vont du nord au sud du pays et vice versa, où la façon de s'habiller varie.
Le guérillero urbain doit vivre de travail, de son activité professionnelle.
S'il est recherché par la police ou connu d'elle, s'il est condamné ou fait l'objet d'une mesure de prison préventive, il doit entrer dans la clandestinité et parfois vivre caché.
En toutes circonstances, le guérillero urbain ne doit parler à personnes de ses activités ; celles-ci ne concernent que l'organisation révolutionnaire à laquelle il appartient. Il doit avoir une grande capacité d'observation, être très bien informé, en particulier sur les mouvements de l'ennemi, être un bon enquêteur et bon connaisseur du terrain sur lequel il agit. Étant donné qu'il lutte les armes à la main, il ne lui est guère possible de s'acquitter pendant longtemps de ses obligations professionnelles courantes sans se faire repérer. C'est alors que la tâche appelée " expropriation " s'importe à lui avec clarté. Il devient en effet impossible au guérillero urbain de subsister ou de survivre sans s'engager dans la lutte pour l'expropriation.
Dans le cadre de la lutte de classe, dont l'approfondissement est aussi inévitable que nécessaire, la lutte armée du guérillero urbain vise deux buts :
- la liquidation physique des chefs et des subalternes des forces armées et de la police
- L'expropriation d'armes ou de biens appartenant au gouvernement, aux grands capitalistes, aux latifondiaires et aux impérialistes.

Les expropriations mineures servent à l'entretien personnel du guérillero urbain ; les autres à alimenter la révolution. Ces deux buts n'en excluent pas d'autres, secondaires.
Une caractéristiques fondamentales de la Révolution brésilienne est qu'elle passe, dès le début, par la possession de la grande bourgeoisie, de l'impérialisme, des latifondiaires et aussi des commerçants les plus riches et les plus puissants, liés à l'importation ou à l'exportation.
Les attaques contre les banques, réalisées au Brésil, ont porté préjudice à de grands capitalistes comme Moreira Salles, à des compagnies étrangères chargées d'assurer ces mêmes banques, à des firmes impérialistes, aux gouvernements fédéral et des États, jusqu'ici systématiquement " expropriés ".
Le produit de ces expropriations est destiné à l'apprentissage et au perfectionnement technique du guérillero urbain, à l'achat, à la fabrication et au transport des armes et des munitions destinées au secteur rural, à l'organisation du réseau de sécurité des révolutionnaires, à la subsistance quotidienne des combattants, en particulier des camarades délivrés de la prison par d'autres compagnons armés, des blessés ou des camarades pourchassés par la police ou les soldats de la dictature et qui doivent vivre dans la clandestinité.
C'est sur les exploiteurs et les oppresseurs du peuple que doivent retomber les terribles charges de la guerre révolutionnaire. Les hommes du gouvernement, les agents de la dictature et de l'impérialisme doivent payer de leur vie les crimes commis contre le peuple brésilien.
Au Brésil, le nombre d'actions violentes pratiqué est déjà très élevé. Il comporte des mises à mort, des explosions de bombes, des captures d'armes, d'explosifs et de munitions, des " expropriations " de banque, des attaques contre des prisons, etc. autant d'actes qui ne peuvent laisser de doutes sur intentions des révolutionnaires. La mise à mort de l'espion de la C.I.A. Charles Chandler, militaire américain qui, après avoir passé deux ans au Viêt-nam, vint s'infiltrer dans le mouvement étudiant brésilien, celle de plusieurs barbouzes et de plusieurs membres de la police militaire, prouvent que nous sommes entrés dans un état de guerre révolutionnaire, et que cette lutte passe nécessairement par la violence. Le guérillero urbain doit donc concentrer tous ses efforts sur l'extermination des agents de la répression et l'expropriation des exploiteurs du peuple.

LA PREPARATION TECHNIQUE DU GUERILLERO URBAIN

Personne ne peut devenir guérillero sans passer par une phase de préparation technique. Elle va de l'entraînement physique à l'enseignement de professions ou d'activités de tout genre, mais surtout manuelles. On ne peut acquérir une bonne résistance physique qu'en s'entraînent. On ne peut devenir un bon lutteur qu'en apprenant l'art de lutter. Le guérillero urbain apprendra donc à pratiquer les différents types de luttes, qu'ils regardent l'attaque ou la défense personnelle.
Outre la préparation technique, je considère comme utiles les formes d'entraînement telles que les excursions à pied, le camping et des séjours prolongés en forêt, l'ascension des montagnes, la natation, le canotage, les plongées et les chasses sous-marines, à la manière des hommes-grenouilles, la pêche, la chasse aux volatiles et au gibier de petite et grande taille.
Il est très important d'apprendre à conduire une voiture, piloter un avion, gouverner une embarcation à moteur ou à voile, d'avoir des notions de mécanique, de radiophonie, de téléphonie, d'électricité et même d'électronique. Il est également important de posséder de notions de topographie, de savoir s'orienter, calculer les distances, établir des cartes et des plans, chronométrer, transmettre des messages, utiliser la boussole, etc.
Des connaissances de chimie, sur la combinaison des couleurs, sur la fabrication des cachets, sur l'art d'imiter l'écriture d'autrui et autres habiletés, font partie de la préparation technique du guérillero urbain. Pour pouvoir survivre dans la société qu'il propose de détruire, celui-ci est obliger de falsifier des documents, comme des passeports, des permis de conduire, des cartes d'assurance maladies et divers papiers d'identités.
En ce qui concerne les soins médicaux, il est clair que jouent un rôle spécial et important les guérilleros médecins, infirmiers ou pharmaciens, ainsi que ceux qui possède des connaissances correspondantes (les premiers soins), prescription et emploi de médicaments et notions de chirurgie.
La partie la plus importante de la préparation technique reste, toutefois, le maniement des armes telles que la mitraillette, le revolver, les armes automatiques, le mortier, le bazooka, le fusil FAL et d'autres types de carabine, S'y ajoute la connaissance des différentes sortes de munitions et explosifs. La dynamite est un de ces explosifs ; il importe de bien savoir s'en servir, comme il importe de savoir utiliser les bombes incendiaires, les grenades fumigènes, le C-4 et autres. Il faut apprendre à fabriquer des cocktails Molotov, des bombes, des mines, à détruire des ponts, démonter ou détruire des rails et des traverses de chemin de fer.
Le guérillero urbain parachèvera sa formation dans un centre technique organisé à cet effet, mais seulement après être passé par l'épreuve du feu, c'est-à-dire avoir déjà combattu contre l'ennemi.

LES ARMES DU GUERILLERO URBAIN

Les armes du guérillero urbain sont légères, facilement remplaçables, en général prises à l'ennemi, achetées ou fabriquées sur place. L'armement léger peut être manié et transporté rapidement. Cet armement se distingue par son canon qui est court ; il comporte plusieurs armes automatiques et semi-automatiques, qui augmentent considérablement la puissance de feu du guérillero urbain, mais qui sont difficilement contrôlables. De plus, celles-ci entraînent une forte consommation, voire un certain gaspillage de munitions que seule une grande précision de tir peut compenser.
L'expérience nous a montré que l'arme de base du guérillero urbain est la mitraillette. Elle est efficace et peut être facilement dissimulée ; elle impose de plus le respect à l'adversaire. Il faut connaître à fond le maniement de cette arme devenue si populaire.
La mitraillette idéale est l'INA, calibre 45. D'autres de différents calibres, peuvent également être utilisées mais il est moins facile de pourvoir à leur chargement. On souhaitera donc que la base logistique industrielle en arrive à produire un type uniforme de mitraillette à munitions standardisées.
Chaque groupe de guérilleros doit disposer d'une mitraillette maniée par un bon tireur. Les autres auront des revolvers 38, notre arme commune. L'usage du revolver 32 est permis mais nous donnons la préférence au 38, à cause de sa force d'impact.
Les grenades à main et les grenades fumigènes peuvent être considérées comme des armes légères, utiles à la défensive et pour protéger la retraite des guérilleros.
Les armes à canon long sont plus difficilement transportables et attirent davantage l'attention. Parmi ces dernières se rangent les FAL, les mausers, les fusils de chasses et les Winchesters. Les fusils de chasse peuvent être efficaces lorsqu'ils sont employés pour des tirs a faible portée ou à bout portant, ce qui arrive surtout la nuit. Un fusil à air comprimé peut-être avantageusement employé pour le tir à la cible. Des bazookas et des mortiers peuvent être utilisés mais par des gens bien entraînés.
Les armes de fabrication artisanale sont parfois aussi efficaces que les armes conventionnelles, ainsi que les fusils à canon raccourci.
Les camarades qui sont armuriers jouent un rôle important. Ils entretiennent les armes, les réparent et peuvent même monter un atelier où ils en fabriqueront. Les ouvriers métallurgistes, les mécaniciens et les tourneurs sont des personnes tout indiquées pour assumer ce travail de logistique industrielle. Ils peuvent, à partir de leurs connaissances, aussi bien fabriquer secrètement des armes chez eux. On organisera aussi des cours sur l'art de fabriquer des explosifs et l'art de saboter ; on y prévoira la possibilité de faire des expériences.
Les cocktails Molotov, L'essence, les instruments destinés au lancement de pétards, les grenades faite au moyen de tuyaux et de boîtes, les mines, les explosifs fabriqués avec de la dynamite et du chlorate de potasse, le plastic, les capsules fulminantes, etc. constituent l'arsenal du guérillero soucieux de remplir sa mission. Le matériel nécessaire à la fabrication des ces engins sera acheté ou dérobé à l'ennemi au cours d'opérations soigneusement planifiées et exécutées. Le guérillero veillera à ne pas garder longtemps près de lui ce matériel susceptible de provoquer des accidents ; il cherchera à s'en servir tout de suite.
L'introduction d'armes modernes, comme toute innovation en ce domaine, influe directement sur les tactiques de la guérilla urbaine. Ces tactiques changeront dès que sera généralisé l'usage de la mitraillette standardisée. Les groupes de guérilleros qui parviennent uniformiser leur armement et leurs munitions acquièrent un pouvoir d'efficacité supérieur aux autres car leur puissance de feu devient plus grande.

LE TIR, RAISON D'ETRE DU GUERILLERO URBAIN

La raison d'être du guérillero urbain, son action, sa survie, tout cela dépend de son art de tirer. Il est indispensable qu'il s'en acquitte bien. Dans la guerre conventionnelle, le combat se fait à distance et avec des armes à longue portée. Dans la guérilla, c'est le contraire ; s'il ne tire pas le premier, il risque de perdre la vie. De plus, comme il n'a sur lui que peu de munitions et que son groupe est réduit, il ne peut perdre du temps ; il sera donc prompt au tir.
Un autre point sur lequel il convient d'insister jusqu'à l'exagération, c'est que le guérillero urbain ne peut tirer jusqu'à épuisement de ses munitions. Il est, en effet, possible que l'ennemi ne riposte pas, précisément parce qu'il attend que l'autre ait fait usage de toutes ses balles, s'exposant ainsi à la capture ou à la mort.
Afin d'éviter d'être une cible facile, le combattant ne cessera de se mouvoir, tout en tirant.
On devient un bon tireur en s'exerçant systématiquement par les moyens les plus divers : en tirant à la cible dans les fêtes foraines ; en tirant, chez soi, avec un fusil à air comprimé, etc. Le bon tireur pourra devenir un franc-tireur, c'est-à-dire un guérillero solitaire, capable d'opérer des actions isolées. En tant que tel, il devra pourvoir tirer à longue et courte distance, avec des armes appropriées à l'une ou l'autre fonction.

LES " GROUPES DE FEU " (CELLULES)

Les guérilleros urbains seront organisés en petits groupes. Chaque groupe, appelé " groupe de feu " (cellule), ne peut dépasser le nombre de 4 ou 5 personnes. Un minimum de 2 groupes (cellules), rigoureusement compartimentés et coordonnés par 1 ou 2 personnes, s'appelle une " équipe de feu " (réseau).
Au sein de chaque groupe (cellule) doit régner la plus grande confiance. Celui qui tire le mieux et sait manier la mitraillette se chargera d'assurer la protection de ses camarades au cours des opérations. Chaque groupe planifiera et exécutera les opérations qu'il aura décidées, gardera des armes, discutera et corrigera les tactiques employées. Le groupe agit de sa propre initiative, sauf dans l'accomplissement des tâches décidées par le commandement général de la guérilla (cellule centrale ou comité central). Pour donner libre cours à cet esprit initiative, on évitera toute rigidité à l'intérieur de l'organisation. C'est d'ailleurs pour cela que la hiérarchisation caractéristique de la gauche traditionnelle n'existe pas chez nous.
Parmi les initiatives possibles laissées à la décision de chaque groupe (cellule), citons : les raids contre des banques, les enlèvements de personnes, les exécutions d'agents notoires de la dictature ou de la réaction ou des espions et délateurs au sein de l'organisation, toute forme de propagande ou de guerre de nerfs. Il n'est pas nécessaire, avant de décider de l'une de ces opérations, de consulté le commandement général de la guérilla (cellule centrale ou comité central). Aucun groupe ne doit, du reste, attendre, pour agir, que lui viennent des ordres d'en haut. Tout citoyen désireux de devenir guérillero peut, de lui-même, passer à l'action et s'intégrer à notre organisation, En procédant de la sorte, il est plus difficile de savoir à qui doit être attribué tel ou tel coup, l'essentiel étant qu'augmente le volume des actions réalisées.
Le commandement général de la guérilla (cellule centrale ou comité central) compte sur ces groupes (cellules) pour les envoyer remplir des missions en n'importe quel point du pays. Lorsqu'ils sont en difficulté, il se chargera de les aider. Notre organisation révolutionnaire est constituée par un réseau vaste et indestructible de " groupe de feu " (cellule). Son fonctionnement est simple et pratique ; le commandement général de la guérilla (cellule centrale ou comité central) l'oriente ; ceux qui le composent participent aux même coups car tout ce qui n'est pas l'action directe ne nous intéresse pas.

LA LOGISTIQUE DU GUERILLERO URBAIN

La logistique conventionnelle peut s'exprimer par la formule N.C.E.M. qui veut dire:
N = Nourriture
C = Combustible
E = Équipement
M = Munitions

Le guérillero urbain, lui, ne fait pas partie d'une armée régulière; son organisation est intentionnellement fragmentée. Il ne dispose pas de camions, de bases fixes et la logistique industrielle de la guérilla urbaine est difficile à implanter.
La logistique du guérillero urbain correspondra donc à la formule M.A.M.A.E. :
M = Motorisation
A = Argent
M = Munitions
A = Armes
E = Explosifs

La logistique révolutionnaire comporte donc la motorisation qui est un facteur essentiel. Il faut des chauffeurs. Ceux-ci doivent, comme les autres guérilleros, subir un bon entraînement. D'ailleurs, tout bon guérilleros sera aussi un bon chauffeur.
Les véhicules dont il a besoin, il les " expropriera " s'il ne dispose pas de ressources pour en acheter. Comme pour l'achat d'armes, de munitions et d'explosif, le guérillero prélèvera l'argent des banques. Ces " expropriations " sont, au départ, indispensables à notre organisation. Il faut aussi bien dérober les armes en vente dans les magasins que celles que portent en bandoulière les soldats de la garde civile ou de la garde militaire. Postérieurement, lorsqu'il s'agira de développer la force logistique, les guérilleros tendront des embuscades à l'ennemi afin de capturer ses armes, ses munitions et ses moyens de transport. Sitôt dérobé, le matériel doit être caché, même si l'ennemi cherche à riposter ou à poursuivre les assaillants. Il importe donc qu'ils connaissent très bien le terrain où ils agissent et qu'ils s'annexent des guides spécialement préparés.

LA TECHNIQUE DU GUERILLERO URBAIN

La technique est, en gros, l'ensemble des moyens qu'utilise un homme pour exécuter un travail. La technique du guérillero , qui concerne aussi bien la guérilla proprement dite que la guerre psychologique, repose sur cinq données de base :

 

LES CARACTERISTIQUES DE LA LUTTE DE GUERILLA

La technique employée par le guérillero urbain présente les caractéristiques suivantes:
- Elle est agressive ou offensive. Pour le guérillero, dont la puissance de feu est inférieure à celle de l'ennemi, qui ne put compter sur l'appui du pouvoir et ne peut répondre à une attaque massive des forces adverses, la défensive ne peut qu'être fatale. C'est pourquoi jamais il ne cherchera à fortifier ou à défendre une base fixe; jamais il n'attendra d'être encerclé pour riposter.
- Elle repose sur l'attaque suivie d'une retraite immédiate, nécessaire à la préservation des forces de la guérilla.
- Elle vise à harceler, décourager, distraire les forces dont l'ennemi dispose dans les villes afin de favoriser le déclenchement et l'implantation de la guérilla rurale dont le rôle, dans la guerre révolutionnaire, est décisif.

 

LES AVANTAGES DU GUERILLEROS URBAIN SUR L'ENNEMI

La dynamique de la guérilla urbaine aboutit à l'affrontement violent du combattant et des forces de répression de la dictature. Celles-ci disposent de forces supérieures à celles du premier. Il n'en incombe pas moins au guérillero urbain d'attaquer le premier. Les forces militaires et policières riposteront en mobilisant des ressources infiniment plus grandes. Le guérillero urbain ne pourra échapper à la persécution et à la destruction qu'en exploitant à fond les avantages dont, au départ, il jouit. Ce sera sa façon de compenser sa faiblesse matérielle.
Ces avantages consistent à:
- Attaquer l'ennemi par surprise
- Mieux connaître que l'ennemi le terrain sur lequel il combat
- Jouir d'une plus grande mobilité ou d'une plus grande rapidité que les forces de répression
- Disposer d'un réseau d'information meilleur que celui de l'ennemi
- Faire preuve d'une telle capacité de décision que ses compagnons se sentent encouragés et ne puissent même pas hésiter alors qu'en face d'eux, l'ennemi ne saura où donner de la tête.

LA SURPRISE
La surprise est donc un élément très important et qui permet de compenser l'infériorité du guérillero sur le plan des armes. Contre elle, l'ennemi ne peut rien opposer; il tombe dans la perplexité et court à sa perte. Dans le déclenchement de la guérilla urbaine au Brésil, l'effet de surprise a été largement exploité. Il est fonction de quatre données de base que l'expérience nous fait définir comme suit:
- Nous connaissons la situation de l'ennemi que nous allons attaquer, généralement grâce à des informations précises et à une observation méticuleuse, alors que lui-même ignore qu'il va être attaqué et quelle sera la position de l'attaquants
- Nous connaissons la force de ceux que nous attaquons et eux méconnaissent la nôtre
- Nous pouvons mieux que l'ennemi économiser et préserver nos forces
- C'est nous qui choisissons l'heure et le lieu de l'attaque, qui décidons de sa durée et des objectifs à atteindre. L'ennemi en ignore tout.

LA CONNAISSANCE DU TERRAIN
Le guérillero urbain, s'il veut que le terrain soit son meilleur allié, doit le connaître jusque dans ses moindres détails. Ce n'est pas qu'ainsi qu'il pourra intelligemment faire usage de son relief, des ses talus et des ses fossés, de ses accidents, de ses zones laissées à l'abandon, etc. Afin de faciliter le tir, les opérations de retrait, et aussi de se cacher
Les points d'étranglement tels que les impasse, les cul-de-sac, les rues en chantier, les poste de contrôle de la police, les zones militaires, les entrés ou sorties de tunnels, les viaducs, les carrefours garnis d'agents de la circulation, de sémaphores ou de toute autre signalisation, doivent être soigneusement repérés si l'on veut éviter des erreurs fatales. Ce qui importe, c'est de bien connaître les chemins par lesquels les guérilleros passeront et les endroits où ils se cacheront, laissant l'ennemi à la merci du lieu qu'il ignore. Familiarisé avec les rues, les coins et les recoins des centres urbains, connaissant bien les terrain vague, les égouts, les massifs de verdure, les immeubles en construction, le guérillero urbain peut semer facilement la police ou la surprendre en lui dressant un piège ou une embuscade. S'il connaît le terrain, le guérillero pourra indifféremment le parcourir à pied, à bicyclette, en automobile, en Jeep ou en camion sans ce faire arrêter
S'il agit au sein d'un petit groupe de combattants, il pourra facilement le reconstituer en un endroit choisi d'avance, avant de déclencher une nouvelle opération. C'est pour la police un véritable casse-tête que de retrouver ou contre-attaquer un guérillero, dans un dédale de rues que lui seul connaît. L'expérience nous a montré que l'idéal, pour un guérillero urbain, est d'agir dans sa propre ville puisque c'est celle-là qu'il connaît le mieux. Celui qui vient d'ailleurs ne peut, avec autant de compétence que le premier, mener à bien une opération de guérilla.

MOBILITE ET RAPIDITE
La mobilité et la rapidité du guérillero urbain doivent être supérieures à celles de la police. A cet effet, il veillera:
- à être motorisé ;
- à bien connaître le terrain ;
- à saboter ou entraver les communications ou les moyens de transport de l'ennemi ;
- à s'assurer la possession d'un armement léger.
Lorsqu'il réalise des opérations qui ne durent que quelques minutes et s'il quitte le lieu de son action au moyen d'un véhicule à moteur, le guérillero ne pourra échapper à ceux qui le poursuivent que si, au préalable, il a déjà reconnu l'itinéraire. Il n'opérera que dans des endroits éloignés des bases logistiques de la police afin de faciliter sa fuite.
Il devra aussi viser à entraver les communications de l'ennemi, sa première cible étant le téléphone dont il fera couper les fils.
Les forces de répression disposent de moyens de transport très modernes ; il faut s'efforcer de leur faire perdre du temps lorsqu'elles doivent traverser le centre congestionné des grandes villes. Les embouteillages peuvent également nous désavantager. Nous veillerons donc nous assurer une position favorable, en adoptant les moyens suivants:
- La simulation d'une panne ou le barrage d'une route, que d'autres compagnons assumeront, en utilisant des véhicules dont les plaques seront fausses ;
- L'obstruction du chemin au moyen de troncs d'arbres, de pierres, de fausses plaques de signalisation, de trous ou par tout autre moyen efficace et astucieux ;
- La pose de mines de fabrication artisanale aux endroits par où devra passer la police et l'incendie de ses moyens de transport avec de l'essence ou des cocktails Molotov ;
- Le mitraillage, surtout dans le but de faire éclater. les pneus des véhicules de la police. Le rôle du guérillero urbain est d'attaquer puis aussitôt de battre en retraite ; c'est ainsi que, doté d'un armement léger, il peut mettre en échec l'ennemi lourdement et fortement armé. Sans un armement léger, on ne peut jouir d'une grande mobilité.

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